dix-huit mois de recherche-action au sein d’une résidence sociale, artistique et temporaire à Strasbourg

09 ¦ 2020
Habitat intercalaire

Sainte-Odile, sous l’enseigne de l’hospitalité

09 ¦ 2020 · Habitat intercalaire S’intercaler dans l’espace et le temps : quelle dignité humaine ?
En questionnement Le passé du lieu
Illustration A., jeune résidente à l’Odylus et Cynthia portant fièrement l’enseigne de la clinique – Cour de l’Odylus, 8 août 2020
Auteur·e·s Cynthia, artiste, en résidence à l’Odylus d’avril 2020 à octobre 2020

Sainte Odile qui es-tu ? Qui sont ces pensionnaires que tu caches sous tes voiles  Quelle est ta pénitence ?

→ Chapelle Sainte-Odile. 2020. Odylus, ancienne chapelle Sainte-Odile, Strasbourg.
Entre chien et loup, trois des résidents actuels de l'ancienne clinique Sainte-Odile pénètrent dans l'enceinte de la sainte chapelle en chantier pour l'explorer. Sous ses voiles échafaudés, Sainte-Odile est mise à nue.

↘  Odile de Honenbourg naît aveugle mais dotée d’une âme lumineuse. Elle grandit en cavale : persécutée, reléguée, confiée, placée et mise en couvent. La sainte d’Alsace, miséricordieuse, revêt le vêtement du labeur pour être épargnée, et porte aujourd’hui le nom et le vêtement d’un chantier : Sainte-Odile. Quel rapport peut-on entretenir avec la croyance, lorsque la sainteté se retrouve voilée par son échafaudage et dans le même temps désacralisée ? Sainte-Odile est un non-lieu ou un lieu-dit paré d’histoires et de mythologies bien concrètes, sous l’enseigne de l’hospitalité.

Son passé méconnu resurgit aujourd’hui au pied de la chapelle et de son clocher, au cœur même de ce haut lieu de soin et d’hospitalité qu’est la clinique, dont la fonction était déjà temporaire. Dame de charité et sainte patronne du pays, sous son aile s'installent des dépendances pour une communauté de passage. Du Caucase au Tchad et jusqu’à Mulhouse, Sainte-Odile est un siège temporaire, un abri, un refuge, une chapelle, voire un sanctuaire.

« Odile vénérait Saint Jean-Baptiste et désirait lui faire bâtir une chapelle ; mais où la placer ? Une nuit, Odile, à genoux près d’un buisson, priait le saint pour lui demander la place qu’il choisissait afin d’être honoré. Jean le Baptiste lui apparut au milieu d’une grande clarté. Le lendemain, Odile fit démarrer les fondations. Ces faits furent révélés après la mort d’Odile, par une religieuse qui, étant sortie pour vérifier l’heure à partir des étoiles, vit la clarté, mais pas Jean-Baptiste.
Un peu plus tard, pendant les travaux, un char à bœufs qui transportait, sur un sentier bordant une falaise, les pierres destinées à la construction, fut entraîné dans l’abîme, jusqu’au pied des falaises. Quand les ouvriers arrivèrent pour constater les dégâts, ils virent les bœufs en train de brouter tranquillement près du char indemne... On attribua ce miracle, à la protection de Saint Jean-Baptiste. »

Double jeu et double échelle, l’ancienne clinique et sa chapelle se retrouvent intercalés entre les vestiges du sanctuaire de soin et le futur projet immobilier. La nuit, la sainte en chantier révèle ses couleurs, elle brille et calme les esprits. Le matin, elle est échafaudée et les pigeons viennent s’y poser.

« Odile avait appris, au cours de sa jeunesse le prix de la charité : sanctification des âmes et soulagement des misères physiques. Hohenbourg devint le refuge des pauvres qui y trouvaient toujours ce dont ils avaient le plus besoin. On raconte qu’un jour de fête, les mendiants étaient si nombreux que toutes les vivres du couvent leur furent distribuées. Il ne restait même plus de vin. La sœur responsable vint trouver Odile qui priait dans l’Église. Odile se contenta de sourire en disant :

 « Celui qui a rassasié 5000 personnes avec cinq pains d’orge et deux poissons y pourvoira, si tel est son bon vouloir... Allez donc où le devoir vous appelle. »

La religieuse retourna à la cave : tous les fûts étaient remplis d’un vin excellent. » ↙